L'art d'être soignant

Le projet Les Veilleuses est né de l’envie d’évoquer des gestes fondamentaux, qui ont lieu dans les hôpitaux partout dans le monde et qui se passent souvent de mots. Ils surviennent dans des moments de grande fragilité ou des instants merveilleux, parfois dans des lieux où on préférerait ne pas se retrouver.
Ces gestes sont accomplis par des hommes et des femmes qui veillent. Ils veillent aux soins des malades, des aïeuls, des blessés, des mourants, des nouveaux nés. Ils et elles sont infirmières, médecins, brancardiers, kinés, ou pratiquent d’autres métiers, qui parfois n’ont pas de noms. Ils sont tout autour de nous, le jour, la nuit, quand la terre tremble ou que le monde dérape, mais aussi quand le soleil se lève. Parfois on nous demande si ce métier n’est pas trop difficile. Je n’ai pas trouvé de réponse simple à cette question. Il existe un mot, en langue allemande, qu’on ne peut pas vraiment traduire dans la nôtre: «le sehnsucht».
Il s’agit d’un élan vital, mêlé d’intimité, de délicatesse, de tristesse et de force. Peut-être ce métier est-il fait d’un peu tout cela. Parfois c’est poser un quartier de pomme à côté d’un médicament chaque matin, parfois c’est oser rire alors que c’est difficile. Oser pleurer parce que c’est émouvant, ou effleurer une peau qui n’a pas été touchée depuis longtemps. Cela se fait dans toutes les langues, mais ne se raconte pas facilement.
Les images et les textes proposés par le collectif Les Veilleuses montrent ce qui se passe aujourd’hui, comme cela se passe depuis le début de l’Histoire. Là où des femmes et des hommes se sont mis à s’occuper des plus fragiles.

Projet : L'unité

L’unité est un collectif de patients, de soignants et de personnel hospitalier qui ont choisi d’imaginer ensemble leur unité de soins idéale.

Pour regrouper nos idées, nos espoirs et nos besoins, nous avons choisi de nous intéresser aux formes et aux couleurs, à la typographie et à l’espace. Afin de créer un langage commun, pas de plans, pas de programme, pas de budget réaliste et pas d’agenda contraignant. Uniquement la possibilité d’agencer ensemble des formes, des lettres et des couleurs.

Parce que ce que nous avons à faire n’est pas mesurable, calculable ou évaluable, il ne s’agit pas ici de réussir, ou plutôt si, il s’agit de réussir à travailler ensemble et pour ça nous n’avons pas reçu de mode d’emploi.

Une forme imaginaire à mettre à gauche ou en haut, peut-être plus vers le coin ? Ou alors la retourner dans l’autre sens ? Peut-être bleu comme le ciel ou rose comme l’aube ? « Il paraît que le jaune c’est la couleur du pouvoir. » « Oui mais le vert est tellement plus profond, là au moins je pourrais m’endormir. »

Pour nous accompagner dans ce travail, nous avons choisi deux artistes aux compétences complémentaires et dont la sensibilité à fleur de peau nous a immédiatement paru idéale pour pénétrer cet univers fragile.

Meriem et Juliette, une rencontre entre une graphiste et une architecte d’intérieur. Elles guident ensemble le projet de l’unité avec l’idée que l’art et l’architecture on peut-être le pouvoir de soigner.

Ici les vies sont courtes, beaucoup plus courtes que la vôtre
Ici tout est chamboulé, les histoires, les repas, les voyages, les corps, le sexe, les projets d’avenir
Ici, il arrive qu’un parfum ou une nuit calme vaille plus qu’une maison

Personne n’imagine vraiment ce que c’est que la douleur de l’autre
Personne n’a le pouvoir de la faire disparaître
Par contre on peut choisir d’inventer toutes les façons de l’atténuer

Ici tout est chamboulé : les titres, les privilèges, les métiers, les ambitions
Ici, il arrive que faire ensemble vaille plus que faire mieux que l’autre
C’est un endroit comme un autre
On l’appelle l’unité

Et comme certaines histoires qui y sont abritées sont à couper le souffle
On les apprivoise ensemble, avec des formes et des couleurs
On les dessines sur des papiers peints et des rideaux, des nappes et des affiches
Comme des habits magiques qui nous protégeraient du monde